Dans leur bilan des épidémies de fièvres hémorragiques à virus Ebola (FHV) survenues au Gabon de 1994 à 2002, Milleliri & al (2004) imputaient à des « aspects culturels et psychosociologiques » les « difficultés de mise en oeuvre des mesures de contrôle », les « réactions des populations aux mesures contraignantes », les « désordres créés par la peur », « l'opposition des populations aux interventions », « l'influence des pratiques traditionnelles », notamment la consommation de primates trouvés morts, les soins aux malades et les manipulations des cadavres, les accusations sorcellaires,...
Au Congo en 2003, en Angola en 2005, en RDC en 2007 et 2012, la participation d'anthropologues médicaux mis à disposition par l'OMS sur le terrain dans le cadre des réponses internationales aux épidémies de FHV a permis d'analyser et de tenir compte de ces « spécificités locales », épidémiologiques, ethniques, sociales, culturelles, historiques, psychologiques, religieuses, associatives, économiques et politiques. L'approche anthropologique a contribué à des réponses privilégiant les approches compréhensives et participatives. Elle a joué un rôle actif dans la formation des volontaires et des professionnels, la sensibilisation du grand public, notamment par la réalisation et la diffusion immédiates de documentaires vidéos ethnographiques.
Nous relevons également les facteurs qui entravent l'action : la pauvreté, le sous développement, l'enclavement ; les conséquences des crises politiques et économiques, les séquelles des conflits armés nationaux et régionaux, de l'exploitation de minerais précieux ; l'insuffisance des structures médicales et hospitalières, et leur dangerosité en cas d'épidémie émergente du fait des contaminations nosocomiales ; les incertitudes scientifiques et l'absence de thérapeutiques efficaces ; les retards de financements, les dysfonctionnements et les rigidités des protocoles de prise en charge, les conflits interinstitutionnels ; les manipulations dangereuses de malades et de cadavres ; la multiplicité des modèles explicatifs autochtones de l'épidémie disponibles et des recours diagnostiques et thérapeutiques, néoscientifiques, religieux, mystiques, négationnistes ; la dissimulation des malades et des cas suspects ; la recherche de boucs émissaires, les flambées de réactions violentes des populations vis-à-vis des équipes d'intervention ; les usages sociaux, économiques et politiques du malheur, prosélytes, licites, illicites, criminels...
Au delà d'épidémies qui n'ont provoqué depuis leur découverte en 1976 « que » quelques milliers de morts, la stratégie adoptée, à savoir l'analyse anthropologique des « spécificités locales » entravant le contrôle de l'épidémie, est applicable dans d'autres contextes d'épidémies mortelles émergentes.
Cf vidéos FHV gratuites en ligne :