Introduction: La Fièvre Jaune (FJ) est une maladie infectieuse virale aigue transmise par les moustiques du genre Aedes causant plus de 200 000 cas et 30 000 décès par an en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud. Les épidémies humaines sont généralement précédées de l'amplification périodique du virus de la FJ (VFJ) à partir de son cycle selvatique impliquant des primates. Au Sénégal la région de Kédougou est une zone d'émergence endémique avec des amplifications selvatiques du VFJ tous les 4 à 6 ans. Cependant depuis 2007, l'orpaillage traditionnel est devenu la principale activité économique avec une exposition accrue au VFJ dans la forêt, un afflux massif de populations non immunes et une urbanisation non contrôlée de la région favorisant ainsi l'émergence et la propagation des épidémies de FJ.C'est dans ce contexte de changements qu'une épidémie de FJ a été détectée en 2010-2011.
Méthodologie et principaux résultats: Entre Janvier 2010 et Décembre 2011, 9213 patients ont été enrôlés dans les 7 structures sanitaires qui ont été sélectionnées pour la surveillance des syndromes aigus fébriles à Kédougou. Parmi ces patients 13 (0.14%) ont été testés positifs au VFJ dont 12 présentaient des anticorps antiamarils de type IgM et 2 PCR positives. Dix cas probables décédés durant l'épidémie ont été notifiés. La surveillance entomologique a montré que 3477 et 1793 lots de moustiques ont été respectivement collectés et testés par PCR et Isolement viral en 2010 et 2011. Le VFJ a été détecté dans 67 lots de moustiques. Parmi les 378 singes testés, un a été testé positif par ELISA pour la recherche d'anticorps de type IgM, 40.4% ont montré des anticorps IgG neutralisants et la seroprevalence des anticorps antiamarils a significativement augmenté de 4% à 42% entre 2010 et 2011. L'investigation entomologique durant l'épidémie de FJ a révélé que Ae. aegypti a été présent dans toutes les localités investiguées, Ae furcifer a été l'espèce la plus fréquemment retrouvée et les indicateurs entomologiques ont été partout au dessus du seuil épidémique.
Conclusions: L'afflux massif de populations non immunes, les changements environnementaux et l'urbanisation non contrôlée de la région peuvent favoriser l'adaptation du vecteur épidémique de la FJ Ae Aegypti au contexte domestique. La présence de moustiques infectés (Ae furcifer) par le VFJ pourrait entrainer une transmission intermédiaire ou épidémique du VFJ dans la région de Kédougou.