A Dakar, longtemps considéré comme un site de transit des drogues, depuis les années 2000 se diffuse l'usage de la cocaïne/crack et de l'héroïne par voie intraveineuse. Les usagers de drogues vivent une triple vulnérabilité (1) au niveau social : perte d'emploi, divorce, perte de la garde des enfants, conflits avec la famille, etc ; (2) au niveau sanitaire : atteinte par le VIH, le VHB et le VHC (étude UDSEN, ANRS 12243) ; (3) au niveau du système de soins : demande sans cesse renouvelée de traitement pour « rompre avec les drogues », dans un contexte d'approche répressive des addictions. Les propositions thérapeutiques reposent sur l'hospitalisation en service psychiatrique généralement inadaptée à leur situation. Dès lors, les usagers de drogues en quête de thérapie s'organisent entre pairs et mettent en place des pratiques d'auto-sevrage.
Une étude (ANRS, IRD, CRCF), basée sur une approche qualitative (entretiens répétés et observation sur 19 usagers), menée en 2013 a exploré les pratiques d'auto-sevrage des usagers de drogues injectables à Dakar. Les questions explorées concernent les canaux d'information sur l'auto-sevrage utilisés par les usagers, les modalités pratiques, les produits utilisés, et les appréciations des usagers sur les pratiques d'auto sevrage. Les résultats montrent que les usagers de drogues ont plusieurs sources d'information allant du partage « bouche à oreille dans leur milieu » à l'information issue des expériences thérapeutiques et des sénégalais « venant d'Europe ». Les pratiques d'auto-sevrage comprennent le recours aux médicaments pour remplacer l'effet de manque, le voyage hors du milieu des drogues pour créer une rupture de la consommation ainsi que les expériences de sevrage par l'incarcération volontaire. Les pratiques rapportées conduisent rarement à un sevrage, mais permettent d'obtenir un temps de repos, une modération, ou une maitrise de la consommation.
Des structures de soins adaptées, proposant les traitements de substitution aux opiacés et un accompagnement psycho-social, dans le cadre de programmes de réduction des risques, semblent nécessaire pour des personnes qui, faute de réponse à leur demande de sevrage, se tournent vers ces pratiques informelles mal maitrisées.