Par auteur > Boye Sokhna

Jeudi 14
Systèmes de santé Session 3 - 4 Anthropologie de la santé

› 14:45 - 15:00 (15min)
› UCAD 2
L'émergence des pathologies iatrogènes : perceptions des lipodystrophies par les personnes sous antirétroviraux à Dakar
Sokhna Boye  1, 2@  , Alice Desclaux  1, 3, *@  
1 : Centre Régional de recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann  (CRCF)  -  Site web
Avenue Cheikh Anta Diop, BP 45690 Dakar/Fann -  Sénégal
2 : Université Cheikh Anta Diop de Dakar  -  Site web
B.P. 5005 Dakar-Fann -  Sénégal
3 : UMI VIH/SIDA et maladies associées  (TransVIHMI)  -  Site web
Université Cheikh Anta Diop (Dakar, Sénégal), Universtié Yaoundé 1 (Cameroun), Université Montpellier I, Institut de recherche pour le développement [IRD] : UR233
Centre IRD France Sud 911, avenue Agropolis BP 64501 F-34394 Montpellier cedex 5 -  France
* : Auteur correspondant

La transition épidémiologique est supposée marquer l'émergence des malades chroniques qui nécessitent des traitements médicamenteux au long cours, et voir s'accroitre la proportion des personnes âgées faisant l'objet de prescriptions médicamenteuses multiples. On doit s'attendre à une augmentation de la fréquence des effets indésirables des médicaments, un domaine jusqu'à présent peu investigué en Afrique. Lorsque ces effets sont spécifiques, ils soulèvent la question de leur interprétation locale, et du lien que font les personnes atteintes avec le traitement qui a provoqué ces troubles. C'est le cas des lipodystrophies provoquées par les antirétroviraux.

Cette communication a pour objectif de préciser si les personnes atteintes de lipodystrophies secondaires à la prise d'antirétroviraux les perçoivent comme pathologiques, les associent à ces médicaments ou en donnent d'autres explications.

L'étude qualitative a été réalisée par entretiens approfondis auprès de vingt personnes atteintes de lipodystrophies cliniques, sous ARV depuis 10 ans et incluses dans la cohorte ANRS 1215 à Dakar (Sénégal). Les entretiens enregistrés ont été traduits du wolof et retranscrits puis analysés.

Les lipodystrophies sont surtout invalidantes en cas de fonte de la graisse des joues qui modifie le faciès, d'augmentation de la graisse abdominale et de perte de la graisse des extrémités des membres qui les fait apparaître émaciés. Les interprétations sont assez variées pour des troubles qui peuvent être d'intensité et de localisation identiques. Les signes s'intègrent plus ou moins harmonieusement dans la morphologie des individus ou dans leur histoire corporelle. De plus les différences d'interprétation sont liées à l'âge et au sexe. Aussi, certaines personnes ne perçoivent pas ces signes ou les considèrent comme « secondaires », et d'autres en souffrent intensément.

Les personnes n'associent pas toujours ces signes aux antirétroviraux, mais mentionnent d'autres causes telles que l'anxiété et le stress, une mauvaise alimentation, et des attaques en sorcellerie. Ces interprétations rapportent aussi les informations données par les soignants, qui sont mal à l'aise lorsque l'interruption du traitement qui a provoqué la lipodystrophie ne résout pas le problème, les signes étant souvent irréversibles. Les lipodystrophies ne semblent pas (encore) avoir valeur de « marque » du VIH aux yeux de la population générale, mais sont parfois vécues très difficilement. Les associations sont démunies, n'ayant ni information spécifique à apporter, ni proposition pour réparer les effets inesthétiques des traitements.

Le vécu des effets indésirables des médicaments devrait être mieux exploré pour améliorer la qualité des soins à l'ère des maladies chroniques.

 


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